Flashback, 18 mars 2020, pas de masque, plongée dans le COVID
Lors de notre dernier blog, nous vous avions laissé au moment du démarrage de nos machines. Nous souhaitons aujourd’hui revenir un peu en arrière, à la genèse de notre création, car beaucoup de mésaventures ne vous seraient pas contées si nous sautions cette partie !
Tout à commencé mi-février. À ce moment, la France plonge dans la contamination. A cette époque, personne ne connait ce virus et les chiffres commencent à faire trembler le monde. De ma formation en statistique et de mon expérience en conseil, je me lance dans des calculs sur le rythme de contamination. Des calculs que l’on ne retrouve pas dans la presse ni au niveau gouvernemental. Et là, j’ai le vertige. Je me rends compte de la gravité de la situation. Avant même les annonces de confinement, au moment où les gens continuaient de vivre une vie normale, je demande à mes équipes de conseil de ne plus aller chez le client, je me demande aussi si il ne faut pas fermer le bureau. On ne parle pas encore de télétravail, ni de confinement mais je me dis que ce n’est pas possible, que l’on va droit dans le mur.
A la maison, j’affiche des règles d’hygiène pour les enfants et la nounou et tout le monde me regarde de travers. Au final, quand je les relie, ce sont les gestes barrières avant l’heure.
Nous gardons tout de même le bureau ouvert une semaine encore, mais je me dis que c’est risqué. A ce moment là, c’était passer pour un farfelu, annonciateur de fin du monde, si on parlait de fermer les bureaux, avant que cela ne devienne la norme. Au bout d’une semaine, je décide tout de même de fermer le bureau. Un de mes grands clients décide de mettre en place une rotation d’équipe A et B. Je me dis qu’ils ne vont pas assez loin et je me permet de leur dire qu’il faut tout fermer au risque de paraître pour un extrémiste.
Nous sommes 10 jours avant le vrai confinement, et nous avons décidé de fermer le bureau. Il me reste à boucler un dernier dossier pour un bon client. Nous avons une dernière réunion de travail avec une collaboratrice et nous clôturons tout. Comme dans les bons vieux films, un dernier casse avant la retraite.
Et comme dans les bons vieux films, le dernier casse avant la retraite est celui qui tourne au vinaigre. Je travaille de chez moi, nous sommes début mars, et je commence à me sentir fatigué. Moi qui n’ai pas eu de fièvre depuis 30 ans, je développe une fièvre, et je me mets à tousser d’une toux encore jamais ressentie. Une toux sèche et bizarre, qui ne semble pas du tout liée à des bronches ou des poumons pris, une toux incompréhensible. Un mal de tête lancinant m’assaille. Ma collègue, avec qui nous avions eu cette dernière réunion de travail m’informe que son petit ami a le Coronavirus et qu’elle ne se sent pas bien non plus… Petit à petit, en l’espace de 5 jours mon état empire, je suis épuisé comme je ne l’ai jamais été. À cette période, pas de test possible, des rumeurs folles sur les mécaniques du virus circulent sur WhatsApp. Une terreur se répand sur l’usage de l’ibuprofène et des anti-inflammatoires. On parle de la chloroquine et du Zithromax mais personne ne sait si il faut le prendre et comment s’en procurer. Je me décide à consulter un médecin par visioconférence. Le médecin, très bien formé à la situation, me pose un certain nombre de questions. Il me dit « bon, on ne peut pas le vérifier mais vous avez surement le COVID19 » et me donne les signaux d’alerte à surveiller. Il me dit, si vous respirez plus de 20 fois en une minute, il faut appeler le 15. Je comprends que le sujet de l’apport en oxygène est un élément clé de la maladie. J’en parle à mon épouse qui, étant docteur en orthodontie (métier certes éloignée de la médecine générale mais un docteur reste un docteur), se met en quatre pour trouver un oxymètre. Amazon est en rupture de stock, c’est un signe… c’est très demandé, pourtant personne n’en parle. Finalement, en parcourant de long en large notre chère ville de Boulogne, elle trouve un oxymètre. Lors d’une seconde consultation, le médecin me dit qu’effectivement, c’est une excellente idée d’utiliser l’oxymètre et que le taux de saturation ne doit pas descendre en dessous de 94. Sinon, il faut aller à l’hôpital.
À ce moment, le confinement imposé par le gouvernement à commencé et notre famille, avec trois enfants en bas âge se retrouve confinée avec un malade du COVID dans nos murs. C’est là que je me dis, si un malade du Covid hors confinement contamine en moyenne 3 personnes, en confinement, il va aussi contaminer 3 personnes mais cela sera 3 personnes de sa famille ! L’avantage c’est que la propagation s’arrête à un moment. Nous avons la chance d’avoir un appartement spacieux, mais je pensais chaque jour aux familles dans une situation similaire dans un appartement exigu. J’étais donc confiné dans une chambre de notre appartement. Les enfants, sérieux et responsables, déposaient un plateau à l’entrée de la chambre pour le repas ( et des offrandes !) et personne ne rentrait dans la pièce. En situation de difficulté, les enfants sont incroyables de ressources et de courage.
J’attendais le 7ème jour de maladie avec crainte, tout le monde se passait le mot que le cap du 5/7ième jour était le pire et que si on passait ce cap, on était tiré d’affaire. Et chaque heure qui passe me faisait me sentir plus mal. À un moment, je me demandais si j’allais pouvoir me relever physiquement de mon lit tellement le poids de la fatigue était lourd et la toux violente.
Finalement, 3 choses m’ont fait du bien et m’ont permis de passer ce cap : boire beaucoup d’eau, dormir le plus possible, et prier. Que l’on soit croyant ou pas, et peu importe la croyance, le fait de se concentrer / méditer pour apaiser mon cerveau a eu un effet instantané de soulagement pendant les moments les plus douloureux. Passé le septième jour, je commence à me sentir légèrement mieux, j’arrive à me lever. Je me rends le matin dans la cuisine et c’est avec un certain plaisir que je m’approche de la machine à café pour mon premier café depuis 3 ou 4 jours. Je prends une petite gorgée, et je me dis zut, la capsule a dû pourrir, cela a un goût de caoutchouc. Puis, je mords dans un bout de pain, et là, même goût de caoutchouc… une autre rumeur court à ce moment, c’est que le Coronavirus aurait un impact sur le goût et l’odorat. À cette époque, c’était un peu fou, tout ce que l’on sait maintenant sur cette maladie était à l’état de rumeurs qui circulaient sur WhatsApp ou dans les journaux.
Le soir, nous sommes en famille devant la télévision pour écouter notre président pour une allocution importante. Je porte un masque pour ne pas contaminer ma famille car mon épouse en avait gardé une dizaine de son cabinet dentaire, et je me tiens à distance dans un fauteuil éloigné de quelques mètres, au fond du salon. Emmanuel Macron parle de la pénurie de masque. On avait vu le professeur Juvin paniquer à la télévision car il craignait que les soignants n’en aient pas assez. Emmanuel Macron nous annonce qu' 1 milliard de masques ont été commandés en Chine. À ce moment, mon cerveau bug. Je ne comprends pas cette information. Pourquoi ne demande-t-on pas à notre industrie française, abandonnée à son sort depuis 40 ans, qui s’écroule petit à petit, d’utiliser ses compétences pour produire des masques ? Avec la force qui me revient, et encore en pyjama, je me lance dans des recherches pour comprendre comment fabriquer un masque chirurgical…
La suite au prochain numéro.