Le 2 mai, les lignes de productions arrivent

Lors de notre précédente note, nous nous sommes arrêtés au moment où les machines arrivaient dans notre atelier de Meudon. Vous pouvez retrouver cette note ici.

Les machines sont arrivées dans des caisses en bois particulièrement frêles, les caisses n’avaient même pas de fond pour les protéger. L’équipe de monteurs présents constate des dégâts importants sur certains câblages. Parties de Chine, ces machines ont traversé le monde et nous arrivent en piteux état. Une fois les 7 caisses ouvertes, on découvrait les modules qui allait constituer la ligne de production complète. Pendant que le mécanicien a positionné les modules à leur place et les assemblés en préparation du démarrage, l'électricien s’est affairé pendant 2 jours afin de rebrancher tous les câbles arrachés. A ce moment de l’opération, le temps parait affreusement long, les jours passent et je vois des vérins commencer à fonctionner, des lumières commencer à s’allumer. A ce stade, nous sommes encore loin d’avoir une ligne qui produit des masques. Jamais je n’aurais imaginé que cette étape de montage allait être si complexe. Et dire que l’usine de fabrication m’avait assurée que je pourrai le faire tout seul… cela aurait été bien impossible. D’ailleurs, depuis, nous avons été contactés à plusieurs reprises par des personnes avec les mêmes machines nous demandant de l’aide pour les faire démarrer !

Le temps est d’autant plus long que à cette période, entre le 1er et le 7 mai, je ne dors que 1 à 2 heures par jour. Je me lève à 2h30 pour me synchroniser avec le fournisseur Chinois afin qu'il assure l’approvisionnement de la seconde machine. En journée j’essaie tant bien que mal d’assurer l’organisation du reste. Les appels incessants des mairies qui préparent le déconfinement et qui n’ont pas de masque, l’approvisionnement des matières françaises, la recherche des équipes qui vont m’aider à faire fonctionner cette nouvelle société… le travail est infini, cela parait être une montagne infranchissable.

Après 4 jours de montage, les techniciens lancent la ligne de production avec les quelques nouvelles recrues sélectionnées par notre assistante. Personne ne sait encore comment fonctionne la machine, nous essayons de déchiffrer le manuel qui nous permet de comprendre les principales étapes de fonctionnement, ce premier jour de test c’est le 6 mai. Et là, vers 2h du matin, je suis seul avec les techniciens et toujours impossible de sortir le moindre masque. Ces techniciens venant du nord de la France sont d'un courage incroyable, jamais de mon vécu professionnel je n'ai rencontré de gens aussi sérieux et impliqués. Mais rien à faire, à chaque masque raté qui sort, ils me disent, avec leur accent du nord : "J'comprends pas, ça marche pas". Comment est-ce possible ? Je n’en reviens pas, je suis à deux doigts de tout arrêter. Je suis épuisé. Je prends des photos des masques en bouillie qui sortent de la ligne et je les envoie à Jhon notre contact en Chine qui essaie de nous guider mais nous sommes encore trop loin du compte. Je lui dis par écrit sur Whatsapp que c’est un cauchemar, il est 4h50, je n’ai pas dormi depuis 48h. Jhon, me répond « Go to rest, no work can be done if you are not rested. ». "Va te reposer, aucun travail ne peut être bien fait sans repos"

Je monte me coucher à l’étage ou j’ai installé mon matelas, demain c'est le 7 mai, c'est l'anniversaire de mon père, et je m’endors. En dehors de mon épouse et mes enfants, personne dans ma famille n’est encore au courant de toute cette aventure. J’ai donné rendez-vous à mon père le matin du 7 mai à l’adresse de l’usine pour lui faire la surprise. Il est dentiste et cela fait des semaines que je lui dis "n’achète pas de masque à 1 euro pièce, j’ai une idée". Devant l'usine, j’étais tellement fier de lui faire la surprise et lui dire que ses prochains masques, il pourrait les prendre maintenant directement ici. Tous ses amis dentistes ont déjà acheté des masques pour préparer le déconfinement mais lui, il me fait confiance. Ce n’est pas tant une question d’argent, il pouvait en acheter, mais j’étais tellement fier de lui offrir en surprise les premiers masques qui allaient sortir de l’usine.

 

La suite au prochain numéro